Ce n’est pas très orthodoxe mais ce commentaire trouvé sur secret-défense méritais d’être mis en évidence. Il montre tout les difficultés que l’amateur écrivant en ces lieux , navigant à l’aveuglette dans la stratosphères de la stratégie, ne soupçonne pas ou trop peu. Que l’auteur du commentaire pardonne ce procédé si par hasard(fort improbable) il est parmi les lecteurs de ce blog.
Un souvenir. Au début des années quatre-vingt, l’escorteur d’escadre sur lequel j’étais embarqué, a connu une avarie de chaufferie qui rendait le navire indisponible et dont on ne trouvait pas la cause. Les machines de ces navires étaient pourtant simples et robustes. Elles avaient été construites en un grand nombre d’exemplaire, on en avait une très bon retour d’expérience, et pourtant on ne trouvait rien. Les mécaniciens et ingénieurs du bord comme ceux de l’arsenal se montraient impuissants. La situation était délicate car les bâtiments de cette classe étaient progressivement retirés du service. Le désarmement du nôtre était programmé pour plus tard, mais il était à peu près certain que si on ne trouvait pas rapidement la cause de l’avarie, nous serions tous débarqués avant la fin de l’année.
En « vieux moustachu », comme on dit, qu’il était, l’ingénieur-mécanicien de l’état-major de l’escadre, le « chef » des « chefs », comme on disait aussi, ayant lui-même été « chef » (comprendre chef mécanicien) ou servi sur la plupart des bâtiments de l’escadre, s’attaqua, résolument,et méthodiquement, au problème.
Il partit du principe que cette avarie, pour rare, voire exceptionnelle, qu’elle était, n’était certainement pas la première sur ce type de chaufferie. Il entreprit un travail acharné d’épluchage de tous les comptes-rendus d’avarie sur ce type de chaufferie depuis qu’elles existaient. La conjonction le la compétence, de l’expérience et du travail de vrai professionnel finit par porter ses fruits : la cause de l’avarie fut trouvée, celle-ci rapidement réparée, et après des mois d’immobilisation pénible, le navire repris du service. Quelques semaines plus tard, il participait à l’escorte des navires chargés de réfugiés palestiniens qui quittaient le Liban.
Tout ça pour dire que les savoir-faire en matière de construction navale et d’entretien des navires constituent une de nos plus précieuses richesses, non chiffrable, qu’il est incontestablement du niveau de la responsabilité de l’Etat de veiller à leur conservation, et que je ne suis pas certain que la mercantilisation à tout vat des arsenaux aille dans le sens de la nécessaire pérennité du patrimoine, à tous points de vue, que ceux-ci ont su conserver jusqu’à ce jour.
Armurier